Les tribulations d'une équipe amateur: Les Servantes de la Lune (funbowl).

En ce début d'automne, le coach Thys le roseau était déseuvré; ses Oak's Warriors n'avaient pas de match en vue, les Humains du Steirn Grünburg Club avaient été repris en main par leur coach Misha Gorlov; bref Thys s'emmerdait ferme. Pour se distraire, il était allé passer quelques jours dans une ville portuaire de Bretonnie, dont il avait oublié le nom et il s'en fichait. Ses pas l'avaient amené jusqu'à une taverne des quais du nom du 'Perroquet vert'. C'était certes un lieu animé et bruyant mais ce n'était en rien un coupe-gorge. Des marins en escale de différentes nationalités venaient y boire une pinte et tenter de séduire quelque jeune femme. Des capitaines et des armateurs discutaient affaires dans des alcôves fermées par des rideaux opaques. Un officier des gardes maritimes de Lothern et trois de ses soldats occupaient une table dans un angle de la salle commune. Tout était calme pour ce genre de lieu, très calme...trop calme? Thys le roseau aurait dû se douter que cela n'allait pas durer. Et qu'il aurait des ennuis à partir du moment où une armoire à glace de forme humaine écrasa sa table sous sa masse, projetant sa bière blonde sur ses vêtements. A cinq mètres de là, de l'autre côté de la salle, une superbe jeune femme aux cheveux châtain clair était visiblement la cause de ce vol plané. Réalisant les dégâts, elle vint s'excuser.
"Pardonnez-moi, monsieur, je ne voulais nullement vous viser. Je voulais juste remettre ce cuistre à sa place.
- Je vois. Rassurez-vous, les dommages sont légers. Une bonne lessive et il n'y paraîtra point. Sinon, mes compliments, damoiselle,? pour votre force.
- Anjya. Et vous?
- Thys.
- Thys; le roseau? Le célèbre coach?
- Lui-même. Pour vous être utile.
- Voulez-vous bien m'accompagner un peu pour finir cette soirée? Votre compagnie sera sûrement des meilleures pour une jeune femme seule comme moi.
- Bien volontiers."
Ainsi, achetant une bouteille de vin de sève de pin, Thys se fit chevalier servant.

Plus tard, il se réveilla avec une solide gueule de bois et la tenace impression d'avoir raté quelque chose.
La première chose qui frappa Thys, outre son état personnel, ce fut une humidité moite, de celles qui vous collent les vêtements à la peau en moins d'une minute. Ce qui n'arriva pas à Thys parce qu'il se rendit compte qu'il était vêtu d'un simple pagne. Ensuite, il s'aperçut qu'il était allongé à même le sol de terre battue d'une maison en bambou.
"Houlaïlle! Pas du tout Athel Loren ou la Bretonnie, ça. Que m'est-il arrivé?"
Thys alla regarder par l'ouverture du mur qui faisait office de fenêtre. Il vit une rivière, large et boueuse, il vit des arbres formant une canopée épaisse où des lianes grosses comme un bras courraient de branche en branche, il entendit la rumeur d'une multitude d'oiseaux exotiques chantant un concerto désaccordé. De temps en temps, un singe laissait entendre son glapissement aigu. Un constat s'imposa alors au coach:
"Lustrie!"
Quelques heures sont passées; à dire vrai une journée. Journée pendant laquelle Thys put se rendre compte qu'il était enfermé dans une cabane à une seule pièce. Des hommes sont venus par la suite lui apporter des repas. Mais quatre femmes armées et en armures légères avaient veillé à ce que l'Elfe ne sorte pas de sa prison et à ce que les hommes ne lui parlent pas.
Et puis, juste après le déjeuner que Thys vient de finir, trois femmes se présentent. La première est Anjya, que Thys trouve très ravissante dans son armure ouvragée qui permet de voir en partie la musculature gracieuse de la jeune femme; autre chose que cette simple robe de paysanne qu'il lui a connue il y a au moins deux jours. La deuxième est bien vieille, voûtée, ridée, et avec sur le visage un sourire édenté qui donne à Thys le sentiment qu'elle se plait à le savoir captif. De plus sa robe de toile rêche, usée et décolorée, est garnie de divers colifichets, médaille et os qui semblent la désigner comme la chamane de la communauté. La troisième, elle est simplement la plus belle Humaine que l'Elfe aie jamais vu, il ne peut apprécier les courbes de sa silhouette recouverte d'au moins trois robes différentes, mais son visage est fin et parfaitement ovale. Le teint de sa peau tire sur la rose pâle et son maquillage non outrancier met chaque trait en valeur. De plus elle porte un diadème d'or et de longues plumes multicolores et un collier aux motifs finement gravés représentant le couple du soleil et de la lune. Cette apparition rend muet le roseau qui allait se fâcher au sujet de sa captivité.
" Veuillez nous excuser de ce traitement indigne que nous vous faisons subir, Elfe d'Athel Loren, annonce de suite celle qui est la reine, mais nous avions besoin de vous isoler pour savoir si vous n'étiez pas sujet à des maladies quelconques. Je suis Tori-Freya, souveraine de la cité amazone de Kizzack. Et veuillez aussi excuser la façon quelque peu expéditive employée pour vous avoir fait venir ici, mais mon peuple a grandement besoin de vous."
Le problème des Amazones de Kizzack était à la fois simple et subtil: c'était la paix! Cela faisait maintenant de nombreuses années que leur cité était en bons termes avec ses voisines, autres villes amazones ou slanns. Quand aux pays du vieux continent, aucune de leur expédition n'était arrivée jusque là. Résultat, les plus jeunes générations se laissaient aller, négligeant tout entrainement martial et profitant plus des plaisirs de la table que de ceux de la nature. C'est pourquoi, la reine Tori-Freya ayant entendu des rumeurs sur le blood bowl avait, il y a plus d'un an maintenant, décidé d'en monter une équipe parmi ses guerrières. Mais comme personne de la cité ne savait vraiment jouer, malgré quelques règles apprises par espionnage, elle avait besoin d'engager un coach ayant plus d'expérience que elles toutes réunie. Des contacts avaient été pensés avec des ligues prestigieuses comme la Lutèce mais les frais d'inscription y étaient beaucoup trop élevés pour leur petite fortune. D'où cette occasion d'embaucher un coach d'une ligue mineure.
"J'acceptes de tout coeur de mener vos guerrières toute la durée de cette saison; et plus si possibilités. Décida Thys. Mais il me faut juger de vos talents. J'aurais besoin de rencontrer mes joueuses sur le terrain."
La reine promit de réunir son équipe dès le lendemain.
Thys quitta alors sa position de quarantaine et se retrouva logé dans une somptueuse demeure dépendant du palais royal.
Le premier contact avec sa nouvelle équipe avait laissé à Thys une impression des plus mitigées: bonne nouvelle, il était certain de pouvoir compter sur douze joueuses; mauvaise nouvelle, à part Anjya (officier de la garde de la reine et bonne blitzeuse) et quelques autres filles plus motivées, il avait à faire avec une majorité de trois-quarts fainéantes et ayant besoin de perdre du poids.
C'est pourquoi les filles se retrouvèrent du jour au lendemain sur une île déserte à devoir faire des efforts pour leur survie.
Une dizaine de jours d'entraînements intensifs avait semble-t-il porté ses fruits: les Servantes de la Lune étaient plus prêtes que jamais. Mais peut-être moins que demain; l'équipe n'ayant particulièrement pas de lanceuse et le nombre de joueuses était un peu court selon l'idée que se faisait le coach. Mais pour l'heure, celui-ci était forcé de revenir au Vieux Monde: la ligue Yonese ne semblait pas être lancée malgré les promesses de son commissaire en chef. Fallait bousculer un peu çà.

Plusieurs mois sont passés. La ligue Yonese n'avait pas lieu cette année. Conséquence dramatique: les Servantes s'étaient grandement démobilisées. Thys avait pu préserver une partie des effectifs. Mais le manque de compétition était un handicap. Heureusement, la coupe LU et sa conférence Funbowl arrivaient au bon moment. Pile-poil ce qu'il fallait pour qu'une équipe d'amatrices puisse se lancer dans le Bloodbowl. Certes ce serait moins prestigieux qu'un match à onze, mais au moins, la mission de Thys allait pouvoir véritablement commencer.
L'inscription fut faite et le coach attendit de voir qui serait aussi de cette aventure.